TPE 2003-2004                    Lucie Zongo - David Jacquot

Le carbone 14 et le Saint-Suaire de Turin.

 

           

 

 

 

Chapitre I.

 

Qu'est ce que le carbone 14 ?

 

1.   Rappels de physique nucléaire.

 

  Rappels sur la structure atomique.

 

    Toute la matière qui nous entoure est composée d’atomes. 

Un atome est essentiellement constitué d’un noyau de charge électrique positive et d’un « nuage » d’électrons, qui gravitent autour du noyau selon des orbites bien définies.

Nous ne nous attarderons pas sur les caractéristiques de ces électrons, particules élémentaires de charge négatives, dont le rôle est faible dans l’étude de la radioactivité.

 

   

Schéma d'un atome.

 

    La structure du noyau.

 

    Le noyau, qui représente presque toute la masse de l’atome, est formé de particules élémentaires, protons et neutrons, respectivement de charges électriques positives et neutres. Ces particules sont liées par des forces très puissantes, dont on ne sait que peu de choses, et dont l’action est très limitée dans l’espace.

 

    Un atome est par nature électriquement neutre. Le nombre de protons d’un atome est appelé nombre atomique Z (il est également égal au nombre d’électrons, afin que les charges positives et négatives soient équilibrées)

    On peut trouver plusieurs atomes ayant le même nombre Z, mais qui possèdent un nombre de neutrons différent : on les appelle isotopes.

 

2.   Le cycle du 14C

 

Le carbone est présent dans la nature sous diverses formes.

- Deux isotopes stables :

- Le plus courant, le carbone 12, qui représente 98,89% du carbone consommé par les êtres vivants.

- Le carbone 13, présent dans la proportion de 1,108% du carbone naturel.

 

- Et le carbone 14, radioactif, présent dans l'infime proportion de 1,2 . 10-12 %.

 

 

        Le carbone 14 est produit dans la haute atmosphère par une réaction entre un neutron et un atome d'azote.

        Ce sont des "protons cosmiques", d'origine galactique, qui ont pu pénétrer l'atmosphère terrestre, puis réagir avec des gaz atmosphériques, qui sont à l'origine de la formation de ces neutrons.

        Les neutrons ainsi produits entrent en collision avec les molécules de l'air, et à la suite de nombreux chocs, atteignent peu à peu une vitesse suffisamment faible pour réagir avec l'azote présent dans l'atmosphère, formant ainsi du carbone 14. Cette réaction consiste en "l'éjection" d'un proton de l'atome d'azote par un de ces neutrons. (Voir figure 1)

 

 

Figure 1

 

 

Le carbone 14 ainsi formé s'oxyde rapidement, donne une molécule de 14CO2 qui se disperse et marque de façon uniforme par sa radioactivité le gaz carbonique atmosphérique.

 

Tous les êtres vivants assimilent du carbone, que ce soit par la respiration, par la nutrition (carbone présent dans la nourriture, ou CO2 dissout dans l'eau) ou par la photosynthèse des végétaux.

Le 14CO2 suit le même cycle que le 12CO2, et l'assimilation de carbone est permanente durant toute la vie de chaque être vivant. Ainsi le rapport 14C/12C est constant dans l'organisme durant toute son existence.

 

- voir annexe 5 -

 

 

3.   Notion d'atome instable.

 

 

    On distingue plusieurs types d'émissions lors de la désintégration d'un atome :

-voir annexes 10-1 et 10-2 -

 

a.    La désintégration α

 

     Elle est caractéristique des éléments lourds : A > 200

 

    Des noyaux sont dits radioactif α s'ils émettent des noyaux d'hélium(soit deux neutrons et deux protons). Ce sont des particules positives appelées aussi particules α.

    Les particules α sont arrêtées par quelques centimètres d'air ou une feuille de papier. Le rayonnement α est peu pénétrant mais il est très ionisant; il est de ce fait particulièrement dangereux si des poussières radioactives α sont inhalées, ou si elles sont en contact direct avec la peau.

 

La radioactivité α.

Figure 2

 

b.    La désintégration β+

 

    Elle est caractéristique des éléments possédant trop de protons. Elle n'existe que pour des noyaux "artificiels" c'est-à-dire préparés par l'homme.

 

    Des noyaux sont dits radioactifs β+ s'ils émettent des positions e. Ce sont des particules appelées aussi particules β+. Elles portent une charge +e.

 

    Les particules β+ ont des durées de vie très courtes dans la matière car lorsqu'elles rencontrent un électron, les deux particules s'annihilent et donnent un rayonnement :

    Cette propriété est par exemple utilisée en médecine dans les examens de tomographie à émission de position. Une gammacaméra placée près du patient détecte le rayonnement émis par la réaction positon-électron.

 

La radioactivité β+

Figure 3

 

c.    La désintégration β-

 

    Elle est caractéristique des éléments ayant trop de neutrons.

 

    Des noyaux sont dits radioactifs β- s'ils émettent des électrons e-.

 

    Remarque : l'électron ne provient pas du "nuage" électronique de l'atome (nuage composé des électrons qui gravitent autour du noyau). Il est expulsé du noyau lors de la réaction nucléaire. Le réaction se fait à nombre de nucléons constant A = Cte.

Cet électron est produit lors de la transformation d'un neutron du noyau en un proton. (Le neutron est de charge neutre. Le proton et l'électron étant de charges opposées, la conservation de la charge électrique lors de la réaction est vérifiée.)

 

    Les particules β- sont assez pénétrantes, elles sont arrêtées par quelques millimètres d'aluminium.

 

 

La radioactivité β-

Figure 4

 

L'atome du carbone 14, par exemple, émet une radiation β- lorsqu'il se désintègre.

 

réaction notée aussi :

 

d.    Le rayonnement γ

    Un rayonnement non chargé, de même nature que la lumière, accompagne chacun des trois types de radioactivité. On l'appelle rayonnement γ.

    Le noyau fils est généralement obtenu dans un état excité noté Y*

    C'est la désexcitation du noyau fils Y* qui produit le rayonnement γ :

Y*  =>   Y  +    γ          

    Le rayonnement γ est très pénétrant. Il est très difficile à arrêter, il faut une vingtaine de centimètres de plomb pour s'en protéger.  

 

Le rayonnement γ

Figure 5

 

 

-voir annexes 10-1 et 10-2 -

 

 

4.   Principe de la demi-vie.

(Voir aussi fin du chapitre I.6 ci-dessous, pour une approche mathématique du principe de la demi-vie.)

 

    La demi-vie est le temps nécessaire pour que la moitié des atomes présents initialement dans un système donné se soient désintégrés. Un élément radioactif disparaît d'autant plus vite que sa demi-vie est courte.

 

    Par exemple, si un objet contient X atomes de Rubidium à un instant t=0, sachant que la demi-vie du Rubidium est de 50 milliards d'années, à l'instant t'=50x109 ans  l'objet ne contiendra plus que X/2 atomes de Rubidium. De même, au bout de 100 milliards d'années, il ne contiendra plus que X/4 atomes de Rubidium.

 

    On peut étendre ce raisonnement à la mesure de la radioactivité en elle même. Elle se mesure en désintégrations par minute et par gramme (DPM/g) ou Becquerel (Bq).

    Si notre objet contenant du rubidium a une radioactivité de 14 DPM/g à l'instant t=0, il aura à l'instant t'=50x109 ans une radioactivité de 7 DPM/g.

 

    - voir annexe 12 - (comportement des noyaux atomiques)

 

5.   La mesure de la radioactivité.

 

    Aujourd'hui, elle peut être effectuée par différents procédés. Avant 1988, elle se faisait plutôt grâce au compteur Geiger - voir annexe 11 - qui mesurait le nombre de désintégrations par minute dans un échantillon, mais on utilise parfois aujourd'hui le spectromètre de masse (voir figure 6).

 

 

Le spectromètre de masse.

Figure 6

 

Le spectromètre de masse est un appareil qui est capable de transformer les molécules en ions*. On l’utilise pour identifier les atomes et leurs isotopes (ici le 12C et le 14C), afin de déterminer la composition chimique d’un échantillon. Il est constitué de quatre éléments :

-         Un dispositif d’introduction de l’échantillon

-         Un système d’ionisation.

-         Un accélérateur qui dirige les ions* dans l’appareil de mesure

-         Un système qui sépare les ions et enregistre le spectre de masse.

 

Les ions* d'un échantillon de gaz ionisé par un faisceau d'électrons sont accélérés par un aimant, qui sépare les ions selon leur masse. Les ions d'une certaine masse frappent le détecteur, généralement relié à un ordinateur qui traite les données.

 

    Le principe de fonctionnement de cet appareil est relativement simple : dans un premier temps, un faisceau d’ions* positifs est dévié par un champ électrique, puis il est de nouveau dévié, mais dans le sens opposé par un champ magnétique. L’amplitude de la déviation des particules dépend de leur masse et de leur vitesse : plus la masse ou la vitesse de l’ion est élevée, moins il sera dévié. Par exemple, le physicien britannique Aston mesura les poids moléculaires des isotopes de différents éléments chimiques et mit ainsi en évidence l'abondance relative de ces isotopes dans la nature.

 

    Ainsi, le détecteur susnommé mesure le nombre d'atomes dont il reçoit la trace, selon leur masse : on peut ainsi connaître le rapport 12C/14C, connaissant leurs masses atomiques respectives.

 

(* Un ion est une molécule qui, au lieu d'être électriquement neutre, est chargée positivement ou négativement. Ici l'ionisation est nécessaire, car c'est la charge de l'ion qui permet sa déviation dans le champ magnétique.) 

 

6.   Un taux constant dans l'atmosphère.

 

    Durant la vie d’un organisme, le rapport 14C/12C de ses molécules organiques reste constant, égal à celui de l’atmosphère.

 

    Le taux de rayonnement cosmique, qui assure la production de carbone 14 dans la haute atmosphère, étant demeuré constant, de même que le champ magnétique au cours des dernières quarante mille ans, assure donc de la sorte la constance de la production de radiocarbone au cours de cette période. Cette production compense presque parfaitement la décroissance radioactive du carbone 14, ce qui provoque une constance de son taux atmosphérique.

 

    A la mort de l’organisme, le matériel organique préservé forme un système clos qui n’a plus d’échanges avec son environnement.

 

    Après la fermeture du système à la mort de l’organisme, seule la désintégration radioactive persiste, et en conséquence la teneur en 14C de l’objet va diminuer jusqu’à quasiment s’annuler.

 

 

7.   La loi de décroissance radioactive.

 

Soit un échantillon de noyaux radioactifs. On note :

-         N0 le nombre de noyaux présents à une date choisie comme date initiale (t = 0).

-         N le nombre de noyaux présents (non désintégrés) à la date t.

-         N + rN le nombre de noyaux présents à la date t + rt (avec rN < 0 car N diminue).

 

    Le nombre de noyaux qui se désintègrent entre les dates t et t + rt est donc :

        NiNf = N – (N + rN) = -rN.

 

Ce nombre est proportionnel :

-         au nombre N de noyaux présents (pendant une même durée, le nombre de désintégrations est double dans un échantillon deux fois plus important)

-         à la durée rt (pour un même échantillon, le nombre de désintégrations est double pendant une durée double, à condition que rt  soit très petit par rapport à t).

 

    Le nombre de désintégrations -rN  pendant la durée rt est proportionnel à la durée rt et au nombre de noyaux présents N :

       -rN =  λ * N * rt                         Avec λ une constante.

 

    Le nombre moyen N de noyaux radioactifs à un instant  est donc donné par l’expression :

       N = -rN / (λ *rt)

 

    Le nombre moyen N de noyaux radioactifs présents est proportionnel à sa propre variation moyenne -rN / rt pendant la durée rt.

 

 

    De   λ N = -rN / rt, qui est une équation différentielle, se résout mathématiquement par :

N = N0e -λ t

    La désintégration des noyaux radioactifs au niveau microscopique est aléatoire mais au niveau macroscopique le nombre moyen N de noyaux restant dans l’échantillon suit donc une loi déterminée : la décroissance radioactive est exponentielle.

 

N = N0e -λ t

 Avec N0 la quantité d’atomes de l’élément radioactif présente à la fermeture du système

          N la quantité d’atomes de l’élément radioactif présente aujourd’hui

           λ est la constante de désintégration  d’un élément radioactif ; elle indique la probabilité qu’à un atome de l’élément radioactif de se désintégrer au cours d’une année.

 

     La demi-vie t1/2 d’un échantillon de noyaux radioactifs est égale à la durée nécessaire pour que statistiquement la moitié des noyaux de l’échantillon présents à la date t soient désintégrés à la date t + t1/2 :

          N (t + t1/2) = N (t)/2.

    Or d’après la loi de décroissance, on peut écrire :

-         à la date t : N (t) = N0e- λ t

-         à la date t + t1/2 : N (t + t1/2) = N0e- λ (t + t 1/2).

    En remplaçant les nombres moyens de noyaux aux instants considérés par leurs expressions exponentielles, on obtient :

          N0e- λ (t + t 1/2) = N0e- λ t /2.

    En simplifiant, on obtient:

          e- λ t /2 = 1/2

d’où : t1/2 = ln2 / λ.

    La demi-vie radioactive est une caractéristique de chaque type de noyau radioactif. Elle ne dépend que de la constante radioactive λ.

    En prenant t1/2 = 5730 (pour le 14C), on a λ = ln2 / t1/2 1,21 . 10-4

 

    Mathématiquement, une date t est donné par :

        t = (-1/ λ)*ln (N / N 0).

 

 

Conclusion

 

    On voit donc bien ici que le carbone 14 permet théoriquement la datation, puisqu'on a la possibilité de connaître le taux en carbone 14 initial dans un organisme (grâce à la constance du taux dans l'atmosphère, et donc dans l'organisme), le taux en carbone 14 final (aujourd'hui, grâce aux techniques de mesure), et  la loi de décroissance de cet élément radioactif.. Toutes les conditions sont donc réunies, le carbone 14, comme beaucoup d'autres isotopes radioactifs, permet de dater certains objets très anciens.

 

 

 

Chapitre II